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24 juin 2020

Les termes de l’arrêt

Le 20 mai dernier, la Cour de cassation a statué sur le pourvoi formé par l’ANPAA contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 13 décembre 2018 dans le dossier Grimbergen. La Cour de cassation a suivi les demandes de l’ANPAA et cassé l’arrêt d’appel. Pour les juges de cassation, l’obligation d’objectivité et d’information des publicités ne s’applique pas uniquement aux références aux qualités organoleptiques mais à toutes les indications prévues par l’article L3323-4 du Code de la santé publique.

De manière très claire les juges exposent que « si la publicité pour les boissons alcooliques est licite, elle demeure limitée aux seules indications et références spécifiées à l’article L3323-4 précité, et présente un caractère objectif et informatif (1ère Civ., 1er juillet 2015, pourvoi n°14-17.368, Bull.2015, 1, n°166) lequel ne concerne donc pas seulement les références relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ».

Ils précisent ensuite que « pour rejeter les demandes de l’ANPAA, l’arrêt retient que les mentions ne doivent être purement objectives que lorsqu’elles sont relatives à la couleur, aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit, ce qui laisse la place à l’imagination des concepteurs des messages publicitaires lorsque la communication porte sur d’autres éléments, tels que l’origine, la dénomination ou la composition du produit. Il ajoute, lors de l’examen du contenu des films et du jeu litigieux, que la communication sur les origines et la composition du produit n’a nullement à être objective et peut parfaitement être hyperbolique. En statuant ainsi, la Cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Une décision pas si originale

L’obligation d’avoir un message qui soit objectif et informatif était déjà dans les travaux parlementaires lors de l’examen de la loi en 1990.

Cette obligation est rappelée régulièrement par les juges, quel que soit le niveau de juridiction. D’ailleurs dans la décision de 2015 citée par les juges de cassation, décision qui rappelons-le clôture la longue procédure contre la publicité du CIVB, les visuels ont déjà été analysés et validés à l’aune de cette obligation.

Une décision pas si importante

Si la Cour énonce des évidences, il est essentiel de noter qu’elle ne remet absolument pas en cause certains des attendus, important eux, de la Cour d’appel en 2018.

Les juges ne censurent pas la reprise par la Cour d’appel du principe exposé depuis la jurisprudence CIVB selon lequel « la publicité se définissant comme toute forme de communication faite dans le cadre d'une activité commerciale industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou services, il ne saurait être retenu que la publicité pour l'alcool est illicite au seul motif qu'elle serait attractive ou qu'elle inciterait à l'achat ou à la consommation de boissons alcoolisées, seule l'incitation à une consommation excessive contrevenant à l'objectif de santé publique de lutte contre l'alcoolisme défini par le législateur. »

De même, la Cour de cassation ne censure pas tous les rappels au droit de la preuve c’est-à-dire que c’est à l’ANPAA qui évoque une non-conformité au texte pénal d’en apporter la preuve. C’est ainsi que ne sont pas censurées des affirmations telles que « l'ANPAA se contente d'évoquer la notion de message subliminal, c'est à dire conçu pour être perçu à un niveau au-dessous du niveau de conscience, sans développer la moindre argumentation tendant à caractériser l'existence d'un tel message » ou « Considérant qu'il ressort de ce qui précède que l'ANPAA échoue dans la preuve qui lui incombe du caractère illicite des messages publicitaires qu'elle incrimine, la décision déférée devant être infirmée en ce qu'elle interdit leur usage et en ordonne le retrait ».

Certes l’arrêt d’appel est cassé dans sa totalité mais sur une seule branche du moyen de l’ANPAA. Et sur une motivation de la Cour d’appel qui était, il faut le reconnaitre, assez maladroite.

Une décision pas si définitive

Les juges cassent l’arrêt d’appel du 13 décembre 2018, et remet les parties dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt et les renvoie devant la Cour d’appel de Versailles.

Il faut se souvenir que dans différents dossiers (comme par exemple la jurisprudence CIVB ou la jurisprudence Jameson) la première décision de la Cour de cassation n’a absolument pas été confirmée par la Cour d’appel de renvoi, ni même par la Cour de cassation en fin de parcours judiciaire, et qu’au final c’est les annonceurs qui ont eu gain de cause.

Je rappelle que la Cour de Versailles va devoir statuer sur les termes de la décision de première instance du 9 février 2017 et qu’elle peut, de nouveau, rejeter les arguments de l’ANPAA.

Donc cette décision du 20 mai est une étape, certes favorable à l’ANPAA, mais elle peut être contredite ensuite. C’est déjà arrivé !

 

En conclusion, et malgré les chants de victoire entonnés par les thuriféraires de l’ANPAA, cette décision est une décision parmi d’autres et sans caractère de principe.

Rien de vraiment nouveau et marquant sous le soleil.

 

24 juin 2020

Olivier Poulet

Maitre Olivier Poulet
Avocat au Barreau de Rennes

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