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News
1 décembre 2018

Le microcosme des défenseurs de la santé publique s’insurge depuis plusieurs semaines sur les débats au Parlement au sujet d’une taxation des produits, ayant pour objectif ( ?) et/ou pour effet ( ?)  de conduire les jeunes à consommer de l’alcool. On parle du Rosé sucette, des bonbons au goût Mojito (sans alcool), aux sodas (sans alcool) goût Pina colada, aux yaourts spritz ou aux sirops sans alcool goût Daïquiri. Sans parler de glaces ou même des savons ou parfumeurs d’air de voiture……

Quand la taxe sur ces produits est votée, cris de joie pour saluer une victoire de la protection des mineurs face aux attaques du méchant « lobby alcoolier », et quand la taxe est retoquée, cris d’orfraies contre ce même lobby alcoolier qui favorise ainsi 49.000 morts par an. Et la ministre de la santé, Madame Buzyn est vouée aux gémonies pour avoir plié face aux dealers légaux.

Il faudrait raison garder !

Concernant les boissons alcoolisées dont la marque serait attractive pour les jeunes comme le Rosé Sucette, rappelons simplement que le Code de la santé publique interdit de vendre des boissons alcoolisées aux mineurs. Pourquoi dans ce cas rajouter une taxe ?

Les producteurs de boissons alcoolisées ne sont en rien responsables des visées marketing de fabricants de bonbon ou de yaourts. S’insurger contre eux est donc totalement inepte. Il n’existe à date aucun groupe qui en France rassemble en son sein des producteurs de boissons alcoolisées et des fabricants de yaourt.

Sauf erreur de ma part, je n’ai vu aucune étude scientifique qui établirait que ce sont des mineurs qui consomment ces produits au goût de…..Et encore moins d’étude qui démontrerait qu’après avoir consommé de tels produits, un mineur va inéluctablement être consommateur des boissons alcoolisées correspondantes. Pourrait-on, ne serait-ce qu’un instant de raison, faire crédit à la jeunesse d’une certaine intelligence ?

Juridiquement, et madame la ministre l’a très justement soulevé, je doute qu’il soit très constitutionnel de taxer ainsi des produits simplement en raison leur marketing. En vertu du principe d’égalité devant l’impôt, pourquoi un yaourt goût mojito (sans alcool) serait plus taxé qu’un yaourt goût fraise ? Et il serait encore plus inconstitutionnel d’interdire de tels produits car, en termes de santé publique, et comme je l’écris plus haut, il n’existe aucune preuve d’une relation de cause à effet entre le goût de ces produits, leur revendication marketing, et le passage à la consommation de boissons alcoolisées des plus jeunes français. Pourquoi ne pas interdire le Coca Cola puisque je rappelle que la publicité pour ce produit parle de Coke et qu’il faudrait dans ce cas s’interroger sur la consommation de cocaïne des jeunes consommateurs de la boisson d’Atlanta.

Je m’interroge aussi sur la conformité juridique d’une telle taxation par rapport à d’autres produits qui pourraient eux aussi être accusés de susciter des comportements contestables mais qui ne sont pas dans le viseur de telles taxes. Par exemple, ne pourrait-on considérer qu’il faut taxer les petites voitures à pédales qui imitent des marques de voitures gourmandes en carburant au motif qu’un enfant ayant eu un tel jouet sera plus tard incité à acheter de telles voitures et donc augmenter la pollution, et avoir des comportements dangereux au volant ?

Et puis, après tout, n’est-ce pas aussi une manière de punir des personnes qui, refusant toute consommation de boissons alcoolisées, apprécient néanmoins le goût mojito ou pina colada ?

Le débat actuel sur le niveau insupportable de taxation relayé par les gilets jaunes n’empêche donc nullement la machine à inventer de nouvelles taxes de fonctionner. On conteste déjà la pertinence de la fiscalité écologique. Alors que dire d’une fiscalité de santé publique uniquement basée sur des affirmations non étayées et sur des débats en place médiatique où il est plus facile d’invectiver que de prouver.

 

1er décembre 2018

Olivier Poulet

Maitre Olivier Poulet
Avocat au Barreau de Rennes

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