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20 septembre 2018

Le 21 mars dernier le TGI a rendu un jugement fort instructif. Vous le trouverez dans la partie réservée aux abonnés.

D'une part sur la définition de ce qu'est la publicité, son raisonnement est pour le moins contestable et inquiétant. Et d'autre part, sur la responsabilité des publicités, son raisonnement est très intéressant.

Les faits jugés concernaient deux articles parus dans Paris Match. L'un sur l'actrice Scarlett Johansson qui comportait notamment une photo la représentant tenant une bouteille de Moët et Chandon et une autre sur laquelle elle est juchée sur une échelle posée devant des pyramides de verres tenant une bouteille, deux visuels de la campagne de publicité internationale non diffusée en France.

L'autre article portait sur la soirée des Golden Globes comportant des photos représentant des acteurs se servant des verres de Moët et Chandon.

Tout est publicitaire

Pour le TGI, c'est très clair, toutes ces photos, illustrant pourtant de vrais articles, sont des publicités pour le champagne en question.

Les articles parus dans le numéro litigieux de la revue Paris Match constituent des publicités pour le champagne MOET ET CHANDON. La loi n'exclut en effet pas les articles rédactionnels de la définition des publicités, et n'exige pas que celles-ci aient un caractère onéreux pour la marque qui en est l'objet.

Il suffit que l'article mette en valeur une boisson alcoolisée en dépassant le cadre autorisé par l'article pré-cité, notamment en associant l'alcool à un contexte festif ou à des personnalités valorisantes pour que l'infraction aux dispositions légales soit constituée.

Il est fait référence à des définitions de la publicité. De quelle définition parle-t-on ? De celle figurant dans la loi Evin ? Il n'y en a pas, ce qui contribue au flou et qui est fort contestable pour un texte pénal censé être précis. Ou de celles déjà citées notamment dans le jugement sur le supplément du Parisien Libéré ? En tout état de cause, il pourrait être utile de fixer ce qu'on entend par publicité soumise aux dispositions du Code de la santé publique.

Cela signifie que dès lors que l'on parle d'une boisson alcoolisée, dans un journal mais aussi pourquoi pas dans une oeuvre littéraire ou un livre de cuisine, sur un blog personnel, ou dans revue professionnelle sur des campagnes publicitaires à l'étranger, on fait acte de publicité alors même que le titulaire de la marque n'est peut être même pas au courant.

En cela cette décision est contestable et dangereuse. Tous les supports ont du souci à se faire au delà du débat sur la liberté de la presse.

Par ailleurs on peut aussi s'interroger sur les articles dont le contenu est en tous points conforme aux dispositions du Code de la santé publique. Ils sont considérés comme des publicités et donc, de ce fait, ils doivent comporter un message sanitaire. C'est en tout cas la conclusion logique du raisonnement du TGI.

Et cela s'applique aussi à internet.

Le producteur ou le distributeur de la boisson peut se disculper

Le TGI est par contre cohérent sur la responsabilité. Dès lors qu'on ne peut prouver que le producteur ou le distributeur de la boisson est à l'origine de la publication, par exemple qu'il a payé un publi rédactionnel, on ne peut retenir sa responsabilité.

C'est logique, et le TGI précise même que tirer profit d'une publication ne veut pas dire qu'on en est responsable.

Et plus intéressant encore, le TGI examine le cas des campagnes publicitaires destinées à l'international :

« La circonstance que les visuels, notamment ceux sur lesquels figure l'actrice Scarlett Johansson, fassent partie d'une campagne publicitaire réalisée au profit du champagne MOET ET CHANDON, ne permet pas de considérer que la société MHCS soit à l'origine de leur diffusion en France ou l'ait autorisé, dès lors qu'en outre le dossier de presse rappelait de manière claire et visible l'interdiction de publier ces photographies en France.

L'ANPAA ne peut considérer que le producteur ou le distributeur de boisson alcoolique soit tenu d'empêcher toute publication de visuels interdits en France, ces derniers n'étant pas en mesure de contrôler le contenu de supports de presse et conservant le droit de promouvoir leurs produits dans les pays à la législation plus souple.

Le fait qu'il soit possible d'Accéder aux visuels incriminés en navigant sur le site internet international de la marque en mentant sur sa nationalité n'est pas de nature à constituer une infraction, puisque l'acte de promotion implique de tenter d'atteindre un public et non de tenter de le détourner des supports illicites. »

Le TGI fait fort heureusement une distinction entre campagne publicitaire française et campagne internationale et exonère de toute responsabilité l'annonceur international dont les visuels internationaux sont vus ou utilisés en France sans qu'il en soit informé ni demandeur.

Est aussi reconnue l'absence de responsabilité de l'éditeur d'un site dès lors qu'il a mis en place les moyens d'empêcher l'accès à certains contenus si les internautes contournent ces barrières. Le raisonnement peut aussi s'appliquer à la barrière d'âge.

Les peoples, facteur d'incitation

Une fois admis qu'une simple photo est publicitaire, on doit examiner le contenu.

Une fois encore, et cela n'a rien d'inattendu, les juges sanctionnent dès lors qu'il y a une association entre l'alcool et un contexte festif ou des personnalités valorisantes. C'est une incitation à la consommation. Le raisonnement est classique et récurent.

Les comptes rendus d'événement doivent donc impérativement ne comporter aucune image avec une bouteille. Et de simples verres mêmes remplis mais sans aucune marque ? Peut-on prouver qu'il s'agit d'alcool ?

 

Olivier Poulet

Maitre Olivier Poulet
Avocat au Barreau de Rennes

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