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News
20 septembre 2018

Le Jury de Déontologie Publicitaire a publié le 20 février 2018 une décision très intéressante notamment sur le droit pour une marque de boisson alcoolisée d‘organiser un jeu concours sur internet.

Sur son site internet et sur sa page Facebook, la société Domaine Thieubert présentait des visuels pour le rhum Neisson. L’un des visuels précisait  "Les rhums Neisson fêtent leurs 85 ans – A gagner ! Des bons d’achat Neisson et 1 voyage pour 2 en Martinique ".

La décision rendue par le Jury de Déontologie Publicitaire précise sur plusieurs autres sujets les dispositions de la Recommandation " Alcool " de l’ARPP, et par extension les dispositions du Code de la santé publique.

Sur le message sanitaire

Les pages du site de la marque ainsi que la page Facebook ne comportaient aucun message sanitaire. C’est donc tout à fait normalement que le Jury rappelle que cette absence de message est un manquement à la Recommandation.

Concernant la page Facebook, le Jury précise que " La Recommandation ne comporte pas de restriction en ce qui concerne les supports. Les règles déontologiques s’appliquent donc aux publicités en faveur des boissons alcoolisées diffusées sur un site internet ou un réseau social comme Facebook."

Comme je l’ai indiqué lors des différentes séances de formation sur le thème "#loievin, appréhendez les règles de la communication 3.0 ", le message sanitaire est obligatoire sur les réseaux sociaux. On peut simplement regretter que le Jury ne précise pas ici les modalités de l’apposition : sur chaque statut, sur la couverture de la page ou dans l’onglet " à propos ".

Sur l’application de l’article L3323-3-1

Sur l’application du nouvel article L3323-3-1 dont se réclamait l’annonceur pour se dispenser du message sanitaire sur Facebook, et après avoir rappelé que "le Jury n’a pas compétence pour rendre un avis sur l’applicabilité à une publicité qui lui est soumise d’une disposition de nature légale ou règlementaire", dès lors que "la loi introduit une exception à ce que doit être considéré comme une publicité pour l’application de dispositions législatives qui sont reprises dans une Recommandation, il doit examiner le bénéfice de cette exemption, pour l’application des recommandations déontologiques."

Constatant que sur la page Facebook apparaissaient des bouteilles de rhum portant la marque, " le rattachement avec le thème de l’histoire de la Martinique est toutefois très allusif et se situe sur un plan essentiellement symbolique et imaginaire " et ne présente pas un lien suffisant avec la fabrication du rhum, ni avec son patrimoine, ni avec l’histoire du peuplement de la Martinique. Cette représentation doit en conséquence être considérée comme une publicité, soumise à la Recommandation de l’ARPP.

Ce rejet de l’application de l’article L3323-3-1 est tout à fait fondé puisque les visuels en cause montraient en gros plan des bouteilles portant la marque du Rhum, et quels que soient le reste des visuels ou la mise en scène, cette présence insistante d’une marque ne permettait pas de considérer que les contenus n’étaient que liés à une boisson alcoolisée comme le prévoit l'article L3323-3-1.

Sur l’organisation d’un jeu concours

Outre l’accroche évoquée ci-dessus, le concours était présenté ainsi : " Instant gagnant Rhum Neisson. Du 14 avril 2017 au 30 avril 2017. Les rhums Neisson célèbrent leurs 85 ans et vous font découvrir la Martinique – Concours terminé ", et " Tentez de remporter immédiatement des bons d’achat Neisson et maximisez vos chances de remporter 1 voyage pour 2 en Martinique en parrainant vos amis ! " et, enfin " A gagner des bons d’achat Neisson et un voyage en Martinique ".

Pour l’ANPAA, ces formulations étaient contraires au point 1.6 de la Recommandation de l’ARPP, qui prévoit " qu’aucune communication commerciale ne doit associer la consommation de boissons alcoolisées à des situations de chance, d’exploit, d’audace ou d’exercice d’un sport ".

Le Jury conteste l’interprétation de l’ANPAA en rappelant que ce point 1.6 prohibe  " l’association entre, d’un côté, la consommation de boissons alcooliques et, de l’autre, les situations de chance, d’exploit, d’audace ou d’exercice d’un sport. Ni la lettre de ces dispositions, ni, par ailleurs, la jurisprudence judiciaire citée par les parties n’interdisent, en soi, le lancement de jeux de loterie par les producteurs de boissons alcooliques, à condition que leur contenu soit conforme aux prescriptions de ces dispositions légales."

Le Jury observe "qu'aucun élément de ces visuels ne conduit à penser que la consommation de la boisson favorise la chance, aide à la réalisation d’exploits ou révèle l’audace. "

L’utilisation du mot " chance est sans lien avec la consommation d’alcool car elle est associée avec le parrainage d’amis. Par ailleurs, quand bien même le fait de gagner un voyage à la Martinique pourrait constituer un sort enviable, cette proposition n’est pas, dans le texte, liée à la consommation d’un produit de la marque. "

Sur la question de savoir si, comme le dit l’ANPAA les dispositions de l’article L. 3323-2 du code de la santé publique énumèrent limitativement les supports pouvant accueillir de la publicité en faveur des boissons alcoolisées et que le jeu-concours n’en fait pas partie, le Jury expose que le 9° de l’article L. 3323-2 du code de la santé publique prévoit que les publicités en faveur des boissons alcoolisées sont autorisées " sur les services de communications en ligne à l’exclusion de ceux qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinés à la jeunesse, ainsi que ceux édités par des associations, sociétés et fédérations sportives ou des ligues professionnelles au sens du code du sport (…) " et qu’en l’espèce, " la publicité contestée figurait sur la page Facebook de la marque, qui relève d’un service de communication en ligne qui n’est ni principalement destiné à la jeunesse, ni édité par une association ou entité sportive. "

Cette partie de l’avis est sans doute la plus intéressante puisque, de manière claire et argumentée, la légalité de principe des jeux concours pour des boissons alcoolisées est affirmée. L’argument du Jury sur le mot " chance " est par ailleurs très pertinente et montre, comme je le recommande, que le sens des mots doit être clair et qu’il suffit parfois de bien formuler une phrase d’accroche pour que l’on passe d’une situation de risque à un message conforme aux dispositions légales.

Je reste bien évidemment à votre disposition pour toute analyse plus détaillée de cet avis ou, bien sûr, pour organiser une session de ma formation sur la communication 3.0.

L’avis du Jury peut être consulté sur le site du JDP ou dans la partie abonnés d'Alcool & Droit.

Sur le même sujet, voir la news précédente en cliquant ici

20 mars 2018

 

Olivier Poulet

Maitre Olivier Poulet
Avocat au Barreau de Rennes

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