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News
20 septembre 2018

Le projet de loi de modernisation du système de santé, qui modifie la loi Evin, a été définitivement adopté le jeudi 17 décembre. L'article 4 ter (devenu l'article 13) qui précise ce qui n'est pas de la communication publicitaire est donc définitif. 

« Art. L. 3323-3-1. – Ne sont pas considérés comme une publicité ou une propagande, au sens du présent chapitre, les contenus, images, représentations, descriptions, commentaires ou références relatifs à une région de production, à une toponymie, à une référence ou à une indication géographique, à un terroir, à un itinéraire, à une zone de production, au savoir-faire, à l’histoire ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d’une identification de la qualité ou de l’origine ou protégée au titre de l’article L. 665-6 du code rural et de la pêche maritime. »

Je suis à votre disposition pour faire une étude précise et détaillée des conséquences opérationnelles de ce texte ainsi que des autres modifications apportées à la loi Evin.

La prochaine et dernière étape de ce marathon, c'est l'examen par le Conseil constitutionnel. A suivre donc mais sans grand risque de suppression.

 

L'adoption définitive du projet de loi a donné lieu à une ultime passe d'arme entre les tenants d'un maintien de la loi Evin et les députés favorables à son évolution.

Pour la bonne bouche, je vous propose de lire ces échanges qui sont une nouvelle fois l'occasion de montrer du doigt la responsabilité des producteurs de boissons alcoolisés dans l'alcoolisation de la population, et de prédire un déferlement publicitaire.

Extrait du compte rendu de la première séance du jeudi 17 décembre

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je voudrais revenir une dernière fois sur l’article 4 ter, relatif à la loi Évin, et répondre à un collègue de mon groupe qui m’a traitée, par mail, « d’intégriste anti-vin ». C’est un mot pour le moins indélicat dans la période actuelle. Je ne suis pas une « intégriste anti-vin », et encore moins quelqu’un qui soutiendrait l’alcool mondain. Cela n’a pas de sens.

M. Éric Woerth. L’alcool mondain ?

M. Laurent Wauquiez. On vous demande simplement de défendre la viticulture !

M. le président. La parole est à Mme Lemorton et à elle seule.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je voudrais remercier Mme la ministre d’avoir soutenu quelques-uns d’entre nous pour revenir à l’écriture de la loi Évin.

M. Laurent Wauquiez. La loi Évin est une erreur.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je remercie à ce titre mes collègues, de tous les groupes, qui ont voté l’amendement qui allait en ce sens, qu’ils en aient été signataires ou non.

Je remercie également tous les citoyens, professionnels de santé ou non, qui m’ont adressé, par courrier ou courriel, de nombreux messages de félicitations pour notre position, déplorant au passage le manque de tenue de nos débats, face à un vrai enjeu de santé publique.

M. Laurent Wauquiez. Arrêtez de culpabiliser les viticulteurs !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je remercie particulièrement le professeur Sicard, dont personne ne remet en cause l’intégrité et le travail.
La loi Évin instaurait un équilibre entre le respect de nos territoires, la promotion de nos territoires, viticoles en particulier, et les objectifs de lutte contre l’addiction à l’alcool.

M. Éric Woerth. Quelle caricature !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il suffit d’ailleurs, pour s’en convaincre, de lire les nombreux articles parus dans la presse écrite, les suppléments ou encarts des hebdomadaires, les quotidiens, tous les messages sur internet que nous recevons pour assurer la promotion des alcools divers et variés, en particulier des vins.

M. Laurent Wauquiez. On peut parler autrement de la vigne.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cela prouve que la loi Évin n’empêche pas de faire la promotion.

M. Laurent Wauquiez. Mais si ! Elle nous prive de tout outil de promotion.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Rappelons les chiffres : 50 000 morts, 120 milliards d’euros de coût sanitaire et social, sans parler des violences familiales, des violences festives, des absences au travail ou des tensions sur le lieu de travail, de la désocialisation. Je regrette que M. Accoyer ne soit plus parmi nous car, en tant que médecin, il sait que lorsqu’on parle de drogues, on désigne les substances psycho-actives.

M. Laurent Wauquiez. Mais c’est autre chose, le vin !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. M. Accoyer est toujours à rappeler le cannabis et l’héroïne. À juste titre, d’ailleurs, puisque ces deux substances sont illicites et interdites. Pour autant, l’alcool n’est-il pas une substance psycho-active susceptible d’entraîner de la souffrance ?

M. Laurent Wauquiez. Au secours ! Que faites-vous de notre tradition ? De notre histoire ? De nos emplois ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. La vérité est que la réponse est oui.

M. Laurent Wauquiez. Allez le dire aux viticulteurs !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Qu’est-ce qu’une addiction ? Elle résulte de la rencontre entre une personne et un produit. Selon ce que vit cette personne à ce moment-là, cette rencontre ne provoque pas les mêmes effets. Les substances neuro-médiatrices peuvent créer une sensation de plaisir que la personne gardera en mémoire et sera tentée, si elle ne va pas bien, de retrouver. Elle peut la rechercher avec un produit illicite, comme le cannabis ou l’héroïne, qui sont interdits, mais également avec de l’alcool. Les réseaux d’addiction nous ont montré les études et les courbes : tout commence souvent avec des vins d’entrée de gamme, c’est-à-dire des vins très bon marché, qui ne s’exportent pas – ce sont les grands millésimes qui s’exportent.

M. Laurent Wauquiez. Quelle ignorance de la viticulture française !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. S’il était encore nécessaire de redire qu’il faut boire avec modération, il serait tout aussi nécessaire de rappeler qu’il convient d’écrire avec modération. Un hors-série de La Parisienne, en date du 5 décembre 2015, Flacon of champagne, énumérait toute une liste de champagnes – tant mieux. Mais le directeur de la publication, également directeur de la rédaction, Roberto Alvarez, d’écrire dans son éditorial : « Pour elles, pour eux, buvons la vie avec modération », avant de faire suivre la liste de toutes les victimes des attentats de Paris.

M. Éric Woerth. Quel rapport ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je ne sais pas si les familles, les proches, les amis, ont donné leur accord.

Et que dire de ce supplément du quotidien Les Échos, consacré au vin, du 3 décembre 2015 ? Un monsieur que je ne connais pas, Jean-Francis Pécresse, y écrit : « Nul n’oubliera 2015. Année tragique mais année magique pour les millésimes.» Parallélisme plus que déplacé, mes chers collègues !

Mme Marisol Touraine, ministre. Très maladroit !

M. Éric Woerth. Cela n’a rien à voir avec le sujet ! Où voulez-vous nous entraîner ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je vous laisse, mes chers collègues, méditer sur ces deux exemples. En ayant mis à mal la loi Évin, en y ayant enfoncé un coin, le risque est de faciliter le passage « du plaisir à la souffrance », formule du psychiatre Amine Benyamina, que je fais mienne car elle résume fort bien la bonne attitude vis-à-vis de l’alcool.

Je conclurai, madame la ministre, en vous disant que je me réjouis de voter ce projet de loi de santé qui contient bien d’autres choses que tout ce que nous avons pu entendre depuis quelque temps sur ces bancs, car beaucoup de ceux qui le critiquent ne l’ont pas lu dans son intégralité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Laurent Wauquiez. Pas un mot sur le texte !

18 décembre 2015

Olivier Poulet

Maitre Olivier Poulet
Avocat au Barreau de Rennes

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