Abonnez-vous et accédez à tous le contenu juridique du site En savoir plus
News
20 septembre 2018

Le Jury de Déontologie publicitaire a rendu le 2 avril dernier une décision contre une publicité pour la bière « La Goudale », à la suite d’une plainte de l’ANPAA. Le litige porte sur le slogan « une amitié à partager »

Une décision logique sur l’analyse du visuel

Il était reproché à cette publicité d’avoir un slogan qui associe la consommation de bière à la convivialité et à la réussite sociale et sentimentale, et donc de présenter un caractère incitatif. Pour l’ANPAA, cette bière se présente comme le facteur à l’origine de l’alchimie permettant à deux êtres de créer un lien d’amitié et d’attachement mutuel et d’affection ( !).

Le Jury donne raison à l’ANPAA mais simplement au motif que ce slogan ne se rattache à aucun des thèmes autorisés.

Cette décision n’est pas très surprenante sur le fond car le slogan est clairement une mise en avant de convivialité autour de la consommation de la bière.

Il est intéressant de noter que le Jury rejette l’argumentation du brasseur qui indiquait que l’expression « à partager » signifie que cette bière peut être partagée sous différents conditionnements. Comme dans la décision « un Ricard, des rencontres » le second sens des mots doit être pris en compte lorsqu’on met en place une publicité.

La stratégie de l’ANPAA

Concernant la stratégie de l’ANPAA, cette décision est aussi très intéressante.

Le Jury de Déontologie Publicitaire devient le lieu d’action de l’ANPAA

La procédure contre cette publicité confirme ce qu’on pressentait avec les visuel Grey Goose et Martini Royale : l’ANPAA commence à avoir recours au Jury de Déontologie Publicitaire de manière habituelle. Et ce n’est pas neutre en termes de procédure.

Le seul recours contre une décision du Jury de Déontologie Publicitaire ne peut se faire que devant le même Jury. Ce qui veut dire que les chances d’obtenir en deuxième instance une décision contraire sont très réduits car comment le Jury pourrait-il se déjuger. N’est-ce pas une atteinte au principe d’un procès équitable ?

Le Jury statue sur l’application d’un texte de loi

Le Jury s’arroge le droit de vérifier la conformité d’une publicité aux dispositions du Code de la santé publique. En effet, et comme l’indique clairement le Jury dans cette décision, en vertu du point 3/1 de la Recommandation « alcool » de l’ARPP « Le contenu des publicités doit se limiter à des informations ou des mentions autorisées par la réglementation, en particulier l’article L.3323-4 du code de la santé publique ». En vérifiant la conformité des publicités à ce point 3/1, et donc en statuant de manière indirecte sur la conformité au Code de la santé publique, le Jury reste dans son domaine d’intervention tout en donnant une interprétation d’un texte de loi. Cette capacité est d’autant plus critiquable que ce Jury n’est pas une instance judiciaire et, comme cela est souligné précédemment, les recours contre ses décisions sont de pure forme.

L’ANPAA assigne des annonceurs de moindre taille

Jusqu’à présent, l’ANPAA assignait les publicités de grandes sociétés (brasseurs, spiritueux, champagne…) ou d’interprofessions.

En s’attaquant à une « petite entreprise », l’ANPAA rappelle que la loi Evin doit être respectée par tous les producteurs, quelle que soit leur taille.

Olivier Poulet

Maitre Olivier Poulet
Avocat au Barreau de Rennes

Suivez-moi sur Facebook Twitter Linkedin